Flore POSSIBLE

 

Jeune fille, Julie trouve un livre dans une bibliothèque. Il y est question d'une jeune femme, Flore Archangel, qui s'ennuyant dans son mariage (elle est devenue Flore Lesueur), décide d'écrire des lettres pour les autres. Julie aime ce personnage insolite

Il racontait en fait l'histoire tragique d'une femme qui, au milieu du dix-neuvième siècle, avait tenté de changer de vie. Ce personnage au caractère indépendant me plut. Il est donc important que je vous le présente.

Flore Arcangeli avait eu une courte vie. En 1830, elle avait eu vingt ans. Dix ans après, elle était morte. Entretemps, elle s'était mariée à Donatien Lecueur qui s'était très mal comporté avec elle, la tourmentant sans cesse car elle était jolie et ne faisant rien pour l'aider. Il avait bien un métier, il était forgeron mais il avait des rêves de grandeur que rien ne venait satisfaire ! Comme beaucoup d'hommes sans réelle ambition, Donatien comptait sur sa femme. Il pressentait qu'elle avait en elle les capacités de le sortir d'affaire. Il suffisait de la pousser à agir et, il en était certain, son sort s'améliorerait.

Flore avait été éduquée par des soeurs accueillant des jeunes filles sans le sou. Elle savait lire et écrire et possédait une grande imagination. Amoureuse de son mari, elle voulait l'aider. Ne devait-il pas se hisser socialement vers un monde meilleur? Elle avait eu soudain la conviction qu'écrire pour les autres les tirerait d'affaire. Ecrivain public était un métier d'homme mais elle n'avait pas l'intention de s'exposer. Non, elle se ferait connaître par le bouche à oreille et si on venait par curiosité ou pour faire une bonne affaire (elle demandait peu d'argent), on serait si enthousiaste du résultat que pour sûr, on reviendait...

Flore n'avait de la vie amoureuse qu'une expérience limitée mais elle s'était en tête d'être écrivain public avec  une spécialité précise: la lettre d'amour. Sa vive imagination, sa sensibilité et son sens de l'observation sraient, elle le devinait, de très bons atouts pour permettre à son entreprise de voir le jour. Elle ne se trompait pas car, elle excella bien vite dans son domaine. Elle réconciliait le promis avec sa promise, qu'ils fussent proches ou éloignés l'un de l'autre. Elle rabibochait le mari avec sa femme, la veuve avec son prétendant soudain effarouché par la mauvaise humeur chronique de sa dulcinée, l'amant éconduit par une femme mariée soudain craintive ou bien d'autres couples encore, qui cherchaient à s'unir. Elle savait questionner, interpréter la pensée d'autrui et la transcrire dans une langue belle et vive, pleine de fioritures. Souvent courts en langage et timides, ses clients se montraient ravis qu'elle fut si adroite à coucher leurs sentiments sur le papier. Elle faisait des heureux...

Bien vite, elle eut beaucoup de demandes et put augmenter ses tarifs. Elle fit des jaloux dans un milieu somme toute masculin mais ne dévia pas de sa trajectoire. L'argent arrivant petitement d'abord, elle constata que sans être riche, elle n'en manquait pas. Son mari, profitant de l'aubaine, fut ravi. Il aurait voulu pour que tout alla pour le mieux, qu'elle lui donna un rejeton mais, malgré les assauts répétés qu'elle subit, il n'en fut pas question. Elle ne tombait pas enceinte. Après tout, ce n'était pas plus mal, finit par se dire Donatien: Flore s'en tirait de mieux en mieux et son succès qui allait s'amplifiant aurait été terni par cette maternité. Ils ne roulaient pas sur l'or au point d'engager une nourrice pour s'occuper de l'enfant à demeure. Quant à le mettre à la campagne, il le savait, la jeune femme aurait refusé, ne voulant pas être coupée de son bébé. Tout allait bien. Pourquoi s'inquiéter ?