Au soir de sa vie, un homme se souvient du bonheur vécu avec une femme...
Le grand cimetière nous guérissait de nos manques en nous proposant le défilé des hommes illustres et moins illustres qui voulaient qu'on ne les oublie pas.
Le jour, dès que nous le pouvions, seul ou ensemble, nous parcourions le grand musée de la mort.
Le soir, nous contemplions une partie du cimetière des fenêtres de notre appartement.
Et nous nous sentions moins tourmentés.
Plus apaisés.
Et puis, il y eut un premier janvier où son cœur s'arrêta de battre.
Elle se faisait soigner, c'est vrai, mais disait que ce n'était pas si grave.
Ça l'était.
Mais la vie vous joue des tours comme ça. On veut croire des choses qui ne sont pas vraies.
Et un jour, on est mort.
Je suis resté là, sans elle, et j'ai continué de sillonner le cimetière.
Chaque premier janvier, je pense à elle et à moi.
Double anniversaire.
Je m'intéresse maintenant aux tombes des moins connus ou inconnus. Il y en a de si belles !
Et on est toujours au théâtre.
Je croise souvent les mêmes promeneurs et à force, puisque nous voyons bien que nous avons des goûts communs, nous parlons et développons une étrange intimité : celle de ceux qui sont épris de cette ambiance sépulcrale, à la fois douce et solennelle.
Je n'oublie rien.
Nerval et Proust récités par Maria.
La beauté de la lumière de l'été sur certaines tombes et celle, plus froide de l'hiver.
Maria est incinérée là.
Il y a tant de plaques et tant de fleurs.
Je ne la vois pas de ma fenêtre car le funérarium est éloigné de l'endroit où j'habite et, ne l'oubliez pas, c'est un grand cimetière ! Mais je sais qu'elle est là.
Je vais souvent lui dire bonjour.
J'habite rue du Repos, ne l'oubliez pas.
Je ne l'ai encore rejoint, le repos, le vrai mais je m'en approche.
Et tout est bien.