Juste après la guerre, un jeune homme erre solitaire, dans le cimetière du Père Lachaise. Là, contre toute attente, il rencontre Maria, une fille de réfugiés espagnols.
Mais là, je fus aidé car je la rencontrai, elle, Maria.
La fille de réfugiés espagnols.
L'orpheline, la fille d'un notable qui dès le début, s'était opposé à Franco.
Maria Cortes, la madrilène.
Je cherchais ce jour-là la tombe de Balzac, laquelle était située dans une partie du cimetière que j'avais encore peu explorée. Je la trouvai bien sûr et me mit en faction. Je veux dire par là que je mis à contempler la tombe en laissant mes pensées aller et venir. Naturellement, je prêtais attention à qui pouvait venir mais c'était un jour de semaine et nous étions presque à la fin de l'année. Il faisait ce jour-là un froid vif et pénétrant qui vous dissuadait de vous arrêter longtemps et tout était un peu brumeux.
Une femme âgée passa une première fois sans s'arrêter puis revint et contempla avec moi, le buste du grand écrivain, tel qu'il était c'est à dire posée sur une grande stèle.
Rapidement, cependant, je fus seul.
Au bout d'un moment, vint une autre femme ; C'était elle, l'espagnole que j'ai déjà nommée. Mais, elle venait pour Gérard de Nerval, dont la tombe est face à celle de l'auteur de La Comédie humaine. Ce n'était pas un tombeau remarquable et ça ne l'est toujours pas ; et ceci pour une simple raison. Nerval est l'hôte d'un de ses amis, Charles Coligny. IL n'a rien à lui en fait et colonnade qui leur sert de tombeau ne comporte aucune figure humaine ; Elle est surmontée d'une vasque de pierre emplie de fleurs scultptées.
La jeune fille m'aimanta.
Même encore aujourd'hui, après avoir été son mari pendant des années et l'avoir perdue brutalement, je ne comprends pas ce qui m'attira ;
Évidemment, elle était plutôt jolie : petite, très brune, sanglée dans un tailleur sage et joliment maquillée.
Elle regardait fixement la tombe et je trouvais si absorbée dans sa contemplation que je me demandais si Nerval ne se substituait pas à la colonnade pour lui raconter son histoire et sa création poétique.
Comme je me décidai à quitter Balzac pour poursuivre mon chemin, elle m'arrêta et me demanda si j'avais lu El Desdichado et Une allée du Luxembourg. Oui, je connaissais ces vers et d'autres de ce poète.
Me touchaient-ils ?
Je la déçus en disant non.
Ce que j'avais vécu avec la guerre me faisait chercher des hommes forts, qui parlaient haut.
Nerval murmurait.
Elle n'était pas d'accord et dès que je la revis devant la même tombe, elle entreprit de me convertir. Elle me récita presque toute l’œuvre de Nerval. Elle la connaissait par cœur.
Je finis par adhérer à son côté mystérieux.