Assez peu de chances de se heurter à l'inconnu dans des espaces pareils ! Mais des animaux qui avaient su s'adapter à de multiples contraintes, des monts sous marins, des monts hydrothermaux, des suintements froids, des lacs de saumure et de la neige marine...Quoi ? Il y avait déjà des études, il n'inventait rien et il y avait aussi quelques courageux pour aller voir de quoi il retournait. Ces poissons phosphorescents aux formes étranges, ces créatures qui se mouvaient dans une obscurité absolue et un silence qui n'existait plus nulle part sur terre, il fallait qu'il les voie. Le poisson ogre, le revenant, le fragon à écailles, le vampyre des abysses, le requin lézard, le caulophrinidae, le bathynome géant...Dents longues pointues ou petites et acérées, tentacules, antennes géantes ou pattes munies de pinces, ils reflétaient un monde complètement différent où les autochtones avaient des modes de vie déconcertants et des couleurs inimaginables. A quoi le requin lutin pouvait-il bien utiliser ses dents réparties sur vingt six rangées, et pourquoi le caulophrinidae s'accouplait-il en collant sa bouche à celle de sa partenaire ? Et ses plantes aux formes inconnues et aux couleurs merveilleuses ! Qu'est-ce qui présidait à cette vie si lointaine ? Quelles lois étaient en vigueur dans un univers où toute présence humaine était sinon bannie du moins rare et si précaire ? Voilà de jolies questions poétiques qu'il brûlait de se poser mais il en existait d'autres, bien plus scientifiques et là, le cerveau de celui qui avait été officier de marine se mettait à bouillonner. Des expéditions, il en avait déjà conduites pour aller au plus profond de l'océan Atlantique à bord d'un sous marin construit exprès. Plusieurs mois durant, il avait effectué des recherches à bord d'un sous-marin Triton construit pour l'occasion. Il était doté de trois hublots aux vitres de mousse syntactique et de trois atterrisseurs robotiques. On lui avait adjoint un ancien navire scientifique. Une expédition très coûteuse certes mais qui avait permis de faire des échantillons biologiques à 8 370 mètres sous la surface dans la tranchée de Porto Rico...Et d'autres expéditions avaient suivi. Le sonar de son sous-marin avait pu réaliser une cartographie bathymétrique en haute résolution d'une partie de ces tranchées profondes, afin de mieux comprendre ce qui se passait là où des plaques tectoniques plongeaient dans le manteau terrestre. Une façon aussi de mieux connaître les écosystèmes extrêmophiles qui s'étaient développés là en recueillant des échantillons … Mais est-ce que ça suffisait ? Non, bien sûr ! Victor voulait aller là où personne ne s'était aventuré ! Personne ou presque...