LE MUR R

-Quand le Mur tombera j'irai la voir ! Je tomberai amoureux d'elle !

-Tu ne jamais amoureux de personne, toi. Jamais avec une femme ! Et puis, elle est peut-être mariée...

-Je tomberai amoureux d'elle.

-Ces gens de l'est, pas la même mentalité...

Mais en 1987 et 1988, Fritz avait remué ciel et terre pour en savoir plus sur cette branche inconnue de la famille Pepper et il avait appris beaucoup. Le fait que ceux-là se soient retrouvés de l'autre côté du mur était plus dû à des raisons professionnelles ou sentimentales que politiques. Un jour, ils avaient compris que c'était fini et qu'ils ne pourraient se déplacer que dans l'enceinte des pays de l'est. Ils attendaient leur heure comme tous ceux qui guettaient l'effondrement du géant russe et alors, ils paraîtraient. Au début de l'année 1989, Fritz eut la certitude que tout changerait et en novembre alors que le colosse soviétique était à terre, son rêve se réalisa. La nuit du 9 novembre, le mur fut démoli pierre à pierre tandis que, dans la ville, s'élevait une immense clameur. Fritz, accompagné d'amis, couraient partout faisant face à ces gens de l'est qui soudain paraissaient. On se saluait, on pactisait on s'embrassait. Les gardes avaient filé. Un vent de liberté soufflait. Il devait être deux heures du matin quand il se trouva, au niveau de la porte de Brandebourg face à une jeune femme blonde qui avait ramassé des cheveux en chignon bas sur sa nuque. Interdit, il sentit son cœur battre la chamade. Cette fille...

-Gudrun ? Gudrun Pepper ? Vous lui ressemblez !

La jeune femme allait, selon lui, éclater de rire tout en faisant mine par cette nuit historique, de répondre à ses avances. Il saurait plus tard quelle était sa vraie identité...Mais il n'en fut rien car celle qui était devant lui, en manteau gris et bottes noires, était celle qu'il cherchait !

-Comment savez-vous mon nom ?

-Je ne le sais pas. Moi, je suis Fritz Pepper.

Elle sourit, amusée.

-Le cousin Fritz ?

-Exactement.

Elle était venue avec ses parents et ses deux frères et ils se regardèrent.

-Le Mur est tombé, dit-elle. Sa chute a été brutale en fin de compte...

Fritz qui serrait les mains de sa cousine dans les siennes était heureux comme jamais. C'en était fini de cette offense à la dignité, de cette punition permanente. Ses parents qui, ne voulant rien savoir, avaient déclaré cette nuit identique aux autres, dormaient là-bas mais lui, comme tant d'autres, clamaient le retour de la liberté et l'effondrement de la tyrannie...Ce soir là, ils filèrent vers Postdamer platz pour fêter l'événement et il leur sembla qu'en ayant été démoli pierre à pierre, le Mur avait entraîne dans sa chute toute la honte qui les paralysait...