Quelques années ont passé et nous avons constaté que cette enfant restait singulièrement belle. Dans la famille, nous sommes dotés de physiques agréables  mais on ne saurait parler de nous en nous présentant comme beaux ou belles. J'englobe ici  nos enfants, leurs conjointes et nos petits enfants. Avoir parmi nous une enfant aussi fins, aux yeux aussi bleus et au corps si racé avait quelque chose de surprenant. Cette enfant avait un maintien presque aristocratique, un très beau port de tête et un esprit vif et pénétrant.

A onze ans, elle a de nouveau inquiété ses parents et par extension elle nous a nous mêmes interpellés. Le fils aîné d'un de mes fils avait eu un vilain accident de moto qui risquait fort de le rendre boiteux. Tatiana, qui n'avait pas vraiment d'atomes crochus avec ce grand gaillard robuste qui ne voyait en elle qu'une petit fille, a été très choquée. Elle s'est isolée et de nouveau a paru en conciliabules avec de mystérieux interlocuteurs. Si un de nos fils est un athée total (c'est le père de l'accidenté), les deux autres sont moins catégoriques. L'aîné était agnostique avant de devenir croyant et le plus jeune n'a jamais cessé de croire en Dieu. Je mentirais en disant que, de notre côté, nous sommes des chrétiens  très pratiquants mais aux grandes fêtes, nous nous rachetons une conduite et avons de toute façon tendance à garder en nous une foi un peu cachée, peu bavarde mais réelle. Nous avons donc cru que notre petite Tatiana avait un élan religieux et qu'elle priait pour la guérison d'un cousin un peu dur avec elle et somme toute un peu inconscient. Or, la situation a évolué et nous avons vu que nous faisions erreur...

La santé de notre petit fils s'est très dégradée brutalement et sa rééducation a tourné court. Il marcherait de nouveau, mais mal. Ses parents étaient attristés, nous l'étions aussi bien que tentant de faire bonne figure. Les semaines ont défilé et il est devenu évident que notre petit fils allait devoir changer tous ses projets de vie. Il resterait handicapé...

Nous en étions là quand Tatiana s'est mise à jeûner et à prier autant qu'elle pouvait. Ses parents, impressionnés, ont tenté de la modérer. Elle a fait front. Elle voulait, dit-elle, arracher au ciel la guérison de son cousin. Ils ont paru stupéfaits. A moi, avec qui elle avait une très bonne relation, elle a dit :

-Je parle avec le ciel ! Oh, grand-père, pas à Dieu, ne t'inquiète pas !

-Je ne m'inquiète pas! Mais à qui parles-t alors?

-A un ange. Je lui fais confiance, il est très patient et il est très beau aussi.

-Et que veux-tu de lui?

-Je ne veux pas. Je lui explique. Je le prie. Il saura expliquer, lui.

-Tu sais le nom de cet ange?

-Oui mais tu ne le sauras pas, ni toi, ni les autres. C'est une relation secrète...

Je suis resté émerveillé...