VENISE CHAT

C'était moi, ça, le chaton. La Rossa, peureuse comme elle était, elle s'est carapatée et la belle dame, qui parlait un drôle d'italien avec un accent que j'identifierais plus tard comme américain, a pensé que j'étais abandonné. Elle m'a immédiatement adopté et emmené avec elle. Ils étaient venus en bateau privé et lui, celui avait de fines moustaches, il m'a mis dans une boîte pour le voyage. J'étais jeune, je ne comprenais pas que je perdais Giovanni et surtout la Rossa...

Silvia Fenway...Elle habitait le quartier de Cannareggio, près de la Madonna dell'orto et du Campo dei Mori. On n'était pas très loin de l'ancien quartier juif, de synagogue espagnole et du musée hébraïque et c'était là une façon merveilleuse d'aborder Venise ! Cette ville, tout le monde voulait la posséder, tous voulaient sa beauté, sa richesse, sa lumière, son histoire fastueuse, son mystère. Silvia -c'était le nom de l'américaine- s'était basée là pour écrire des romans policiers dans lesquels un commissaire de police stylé, Tomaso Abiconolo, poursuivrait de sinistres meurtriers dans la cité des Doges. Ses romans se vendaient très bien et il était important pour sa publicité personnelle qu'elle vécût dans cette ville même qu'elle présentait sous un jour si particulier. Avec elle, j'ai mené la vie de château ! On vivait dans une maison de deux étages qu'on quittait pour se déplacer en gondole. Elle en avait une privée, du moins je le croyais. On prenait aussi et souvent le vaporetto et l'on descendait à la Ca d'Oro, au pont du Rialto ou encore au niveau du palais Grassi. Elle m'emmenait dans un petit sac aéré d'où je humais et voyais tout. Rien de Venise ne m'échappait : ses maisons aux façades lézardées, ses palais extraordinaires, ses musées qui drainaient les foules, ses places rarement populaires mais souvent populeuses, ses théâtres. Elle rejoignait des amis sur le Camp San Angelo et de là, on allait à la Fenice...De l'autre côté du Grand Canal, on rejoignait le palais Balbi ou la Nuova Scuoale di San Rocco. Elle avait de grands amis, des Italiens riches, qui habitaient près du musée de l'académie. Toujours très bien vêtue, belle, Silvia aimait être reconnue et signer des autographes. Elle aimait être prise en photo aussi et savait prendre la pose. Une diva, je vous dis...