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LE SOLEIL MEME LA NUIT. FRANCE ELLE.
4 octobre 2023

Homme et chien. Le Square. (6)

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Dupont-Debailly changea le tableau de place plusieurs fois. Au final, il réaménagea entièrement son cabinet de travail pour lui faire une place. Il n’exerçait plus mais rédigeait ses Mémoires. Elles intéresseraient à coup sûr la profession. Il fit repeindre le dit bureau et changea toutes les œuvres qui s’y trouvaient afin que le « Square au petit chien » y trouvât se place. Les femmes étaient vénales (il y en a qui vendent leurs enfants) et les enfants charmants à souhait. Le jeune homme avait l’air veule d’un rabatteur et le quinquagénaire faisait son choix ! Gonflé quand même ce Michel Pèlerin ! Avait-il les mêmes goûts que lui ? L’avocat en était persuadé et le resta. Il ne comprit jamais vraiment que le tableau, dont les couleurs se durcissaient, s’altérait. Il avait une vie propre dont il n’était pas conscient. Quand il sortit de sa torpeur, il était trop tard. Les femmes regardaient désormais dans la direction du quinquagénaire dont elles se méfiaient tandis que le jeune homme s’avérait un policier en civil. Le chien était un berger allemand. Les enfants s’apprêtaient à quitter le bac à sable qui, d’ailleurs, n’en était plus un. C’était désormais une aire de jeux où des enfants de sept ou huit ans jouaient à se courir après. La dernière fois qu’il contempla le tableau, l’avocat se reconnut dans la figure de l’homme mûr. Cette découverte provoqua son hilarité. Depuis quelques temps, il buvait plus que de coutume et devait être le jouet de ses illusions ! Il allait au spectacle et avait rendez-vous avec des amis. La route n’était pas longue et il voulait faire le trajet à pied. Il quitta donc le quartier de la cathédrale et la place François-Sicard et fut tout surpris quand, en traversant une rue, il comprit que le conducteur d’une Volkswagen blanche oubliait de freiner. Il s’agissait d’un homme dont le plus jeune fils était hospitalisé pour troubles psychiques suite à des atteintes sexuelles horrifiantes. Une enquête en cours ne conduisait à rien. L’enfant, choqué, ne parlait pas. Il était difficile au père, homme juste et droit, d’être plus malheureux. Il oubliait le boire et le manger et avait perdu le sommeil. Le corps de l’avocat fit un vol plané. Encore conscient, il sentit que son crâne heurtait violemment le trottoir. Le reste lui échappa : le coma et la mort. On vida son grand appartement. Le coffre fut ouvert et on y fit de bien compromettantes découvertes. Toutefois, on se tut devant l’argent en jeu.

Le tableau passa de mains en mains avant de rejoindre l’échoppe de Gaétan Richelieu. Il avait repris sa forme antérieure : la colère couvait. Dans l’année qui suivit, il fut acheté par une quadragénaire divorcée qui apprécia l’œuvre exquise qu’elle avait achetée. Toute colère, toute amertume avait disparu du tableau qui représentait une simple scène citadine : des mères au square…Pendant six à huit mois, tout fut au mieux. Le tableau adorait Agnès Desarthy, une comédienne qui rongeait son frein et ne faisait pas la carrière attendue. Elle le mit à la place d’honneur dans son salon où, des mois durant, il la consola de sa vilaine séparation. Son ex-mari s’enorgueillissait d’avoir choisi un as du barreau de Tours pour présenter sa requête. La jeune femme n’y avait cependant pas tout perdu. Bien défendue, elle avait obtenu la garde d’Alice, sa fille unique. Cette dernière adorait tellement le tableau qu’elle le voulut dans sa chambre où il se plut malgré tout. Regrettant les tendres regards de l’actrice, il veilla sur l’enfant de huit ans qui aimait tout particulièrement le petit chien. Toutefois, un déménagement inopiné lui fit perdre la faveur de l’une et de l’autre. Au moment du départ, Alice voulut consoler Clémence, sa voisine de palier avec laquelle elle était tellement amie. Elle lui donna le tableau dont l’apparence, des semaines durant, demeura identique jusqu’à ce que, munie d’un pinceau et de tubes de couleur, elle ne décida d’en modifier quelques aspects. Elle peignit en noir le petit chien et en rouge les robes des deux femmes. Le lendemain, l’animal avait disparu et les mères de famille baissaient la tête, fâchées.

 

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