Agnès se rend au Musée de la Terreur, à Budapest. Il lui semble bien qu'on la pourchasse. Je restai plus de deux heures dans ce musée sans me sentir inquiétée. Je m’étais remise à prier avec ferveur ces jours derniers et je n’avais pas peur. Je me sentis tout de même mal quand je croisai l’élégant homme de l’opéra, celui qui, dans le grand salon, m’avait regardée avec attention. Il ne parut pas faire attention à moi mais je le rencontrai à plusieurs reprises, ce qui ne me rassura pas. Comme je quittais le musée et étais désireuse de trouver un taxi, je sentis qu’il me suivait. Je hâtai le pas autant que je pouvais car il neigeait et repérai un vaste porche vers lequel je me dirigeai. Il n’y avait pas grand monde sur l’avenue mais dans la cour intérieure du bâtiment que je cherchai à rejoindre, il y aurait forcément quelqu’un à qui je ferais mine de demander un renseignement. J’avais vu juste car un homme entre deux âges balayait la neige et je m’avançais pour lui parler. Mon suiveur était juste derrière moi et je comptais sur l’homme pour m’aider. Celui-ci me sourit et ouvrit une porte. Je ne compris pas qu'elle ouvrait sur une sorte de réduit glacial. Je m’y engouffrai et l’homme inquiétant m’emboîta le pas. La porte se referma sur nous et je me mis à prier avec ferveur tandis que l’homme me faisait tranquillement enlever mon manteau de fourrure.
J'avais tort de penser qu'une fois encore, je me soumettrais sexuellement à un homme et également tort de penser qu'il me battrait avant de s'enfuir. Cela, je l'avais déjà vécu et l'expérience que j'avais acquise m'aurait aidé à mieux résister. Non, l'idée de cet homme était de m'attacher solidement, de me bâillonner et d'imbiber mes vêtements de pétrole avant d'y mettre le feu. Il en aurait aussi répandu sur le sol et en partant, il jetterait une allumette...La donne était différente. Cette fois, je devais mourir.
Si tant est qu'il existe des descriptions de lutte entre les anges et les démons, je ne doute pas qu'elles soient meilleures que la mienne. Le feu avait pris. Je hurlais d'abord puis suffoquais. Je pleurais aussi. Ils se battaient. Un vrai ballet des ombres. Je pensais à Sara, ma sainte, je dessinais son visage. J'entendais les paroles de la sœur espagnole qui la citaient...Le feu montait de part et d'autre de moi, maintenant mais c'était comme s'il ne s'approchait plus et allait diminuant...Et puis, les ombres noires perdaient du terrain et les anges sonnaient la trompette. Et bientôt, j'étais déliée et dehors... Comme je sortais de la cour intérieure et repassais le porche que j’avais franchi quelques temps, je retrouvai l’homme du musée, celui qui m’avait attachée. Il me jeta un coup d’œil courroucé et me fit un signe de la main avant de s’éloigner. Je ne savais pas son nom. Il m’inspirait de l’horreur.
Quand je rentrai au palais, je croisai Sandor qui me regarda avec inquiétude mais je restai très calme. Quel que soit ce qui avait pu m’arriver près du musée de la Terreur, cela n’avait aucun sens. Les enroulements passionnels de la villa provençale étaient désormais loin de moi et cet homme ne pouvait rien me faire de mal. De cela, j’étais certaine et me sentant sûre de moi, mes hôtes furent rassurés.