La découverte du Musée de la Terreur, à Budapest, décontenance beaucoup Agnès. La vérité historique y est travestie...
Je commençai à parcourir les salles et sentis mon malaise grandir. En effet, une fois le seuil franchi, je me trouvai devant une massive double porte de granit noir. Sur celle de gauche, je vis l'inscription «En hommage aux victimes des Croix-fléchées» surmontée de l'emblème des nazis hongrois, avatar de la croix gammée. Celle de droite, flanquée de l'étoile, rendait hommage aux victimes du communisme. En somme, Nazisme et communisme étaient mis sur le même plan. L'intérieur était tout aussi spectaculaire. Cette enfilade de salles me fit davantage penser à un temple du high-tech ou du Pop-Art qu’à un musée à caractère historique. Des écrans vidéo en grand nombre évoquaient les méthodes de repérage, d’arrestations et d’interrogatoires utilisées contre les Dissidents rebelles au Communisme. Des rescapés des camps russes témoignaient. Le rythme s'accélérait dans une salle coupée en deux avec, d'un côté, le bureau d'un «camarade», de l'autre la paillasse d'un cachot. Un jour ministre, le lendemain, condamné: tel était le destin des communistes qui s’étaient dévorés entre eux. Dans la salle des écoutes, remplie de vieux magnétos et de téléphones poussiéreux, j’attrapai un écouteur pour entendre les discours de dirigeants du PC hongrois. Puis je descendis aux cellules de torture à la cave donnent tout loisir de regarder, sur vidéo, le témoignage d'un condamné rescapé du peloton d'exécution.
Je me rendis compte de l’erreur volontairement commise ici. On pêchait par omissions. Sur cinq mille mètres carrées d’exposition, seules deux salles et demie concernaient les Croix-fléchées. Le musée ne traitait la période qu'à partir du 15 octobre 1944, lorsque les Chemises vertes avaient pris le pouvoir. Or, à l'été 1944, les premières déportations de quatre cent cinquante mille juifs hongrois à Auschwitz, exigées par les Allemands, avaient déjà eu lieu. Mais dans l'exposition, rien n’était dit sur l'holocauste ou les lois anti juives votées de 1920 à 1938. C’était embarrassant d’autant que la Terreur blanche qui avait marqué les années vingt était également absente, alors qu’elle avait été meurtrière. En allant et venue, je cherchais en vain l’évocation de ces arrestations de centaines de juifs dont les corps avaient été jetés dans le Danube mais finis par tomber sur la salle des larmes qui comportait huit cent noms de victimes exécutés après le 15 janvier 1945.
Le but était donc clair : minimiser la gravité des crises commis par les nazis hongrois et mettre en évidence la cruauté sanguinaire des communistes. Voilà qui était choquant dans un pays si meurtri...