Avant la seconde guerre et le déchaînement des persécutions, Etty Hillesum, jeune juive hollandaise, cherche qui elle est après une enfance compliquée. Elle rencontre un psychologue en vue, Julius Spier et celui-ci l'aide à mieux se connaître. Il lui suggère aussi d'écrire un journal.
J'ai dit oui. J'ai rencontré Spier. Il n'était pas hollandais mais allemand. Juif allemand. En 1937, il était arrivé à Amsterdam, fuyant les persécutions. Le voir m'a troublée ; Non pas au sens physique, encore qu'il était séduisant, mais en profondeur. Il me regardait. Il m'observait. Il était psychologue et chirologue. J'étais juriste de formation et j'ai tenté de me défendre de lui. Allons donc, la psychologie n'était pas une science et lire dans les lignes de la main pour y lire les grands traits d'une personnalité avait de quoi faire sourire. Avec une tête de circonstance et un peu de jugeote, on devait vite savoir quoi dire. Mes défenses étaient bien faibles. Dès que Julius Spier a commencé à me parler, j'ai compris que je ne lui résisterais pas. Cet homme de cinquante quatre ans était un grand lecteur de la Torah et de la Bible...
-Etty, vous connaissez la Torah ?
-Ma famille est peu pratiquante..
-Mais elle est imprégnée de traditions juives.
-Oui, c'est vrai.
-Vous pensez que la Bible est faite pour les Chrétiens ?
-Oui...
-Vous ne pensez pas ce que vous dites. Vous avez soif. Vous allez lire, lire ce qui va vous nourrir. Et vous allez écrire car vous avez besoin de vous révéler à vous même. Et vous verrez, le bonheur est là. Vous aurez trouvé les mots justes.
Est-ce qu'il m'a dit ça tout de suite ? Mais non, bien sûr. J'écris de façon concise ce qui a mis du temps à se dénouer.
Mon Journal
Je ne savais où j'en étais avec Hans parce que Julius occupait toutes mes pensées. Mais j'écrivais. Les mots vous attendent et vous guettent. Ils sont certainement mécontents quand vous ne les choisissez pas mais d'autres sont radieux car ils ont su vous répondre. Et vous les avez découverts, aussi. Ce que Spier voulait, je l'ai fait. En écrivant, j'ai cerné ma propre réalité. Elle n'était pas jolie. J'étais très engluée dans le réel parce que je voulais posséder, « avoir à moi ». Peu à peu, l'écriture m'a travaillé au corps. Ah une vraie lutte ! Celle de la femme trop inconsistante parce que matérielle contre la femme qui veut s'élever ? Oui, oui, je crois. Mais lisez-moi !