REFRAINS FRONT

 

20 décembre 1920

Julien Auguste, mon frère aîné, m'a beaucoup énervée. Mes parents gèrent depuis longtemps deux hôtels restaurants fort prospères à Versailles. Ils vieillissent bien sûr mais sont encore sur le pont. Comptabilité impeccable, profits, personnel fiable, clients fidèles, excellente réputation. Julien -Auguste trouve lui qu'il faut vivre avec son temps ; il faut vivre dit-il, il faut vivre ! Les temps sont nouveaux, il faut s'adapter. Il dit aussi que mes parents accusent trop le coup. Aurélien était l'aîné et logiquement, il aurait du reprendre les rênes de l'entreprise familiale. Il est mort, alors ce ne peut pas être lui. On ne va confier cette affaire à Madeleine : c'est une fille et elle est jeune. Alors, c'est moi, c'est moi ! Je suis celui qui peut tout arranger.

Mes parents hésitent mais la perte d'Aurélien a été terrible pour eux. Julien-Auguste n'a pas fait la guerre car il a une jambe plus courte que l'autre. On l'a réformé. Il est jeune mais rageur et impatient. Ma famille le croit capable, moi, je ne sais pas.

Demain, ce sera mon anniversaire. Je sais que j'aurai un beau chat. Un mâle. Je compte l'appeler Watson car j'aime Sherlock Holmes.

Aurélien me hante : je rêve de lui. Mais pour ce qui est de l'Arc de triomphe, j'ai le sentiment que ce n'est pas lui. Cependant, je n'en parle à personne.

 

 

4 Janvier 1921

Mes parents ont reçu un courrier d'un hôpital de province où se trouverait un soldat longtemps amnésique. Il semble avoir recouvré ses esprits et évoque avec clarté les siens. Il a donné nos prénoms. Il dit être Aurélien Thiel. Bien sûr, il n'a pas de papiers. Mes parents, fous d'espoir, veulent aller à Moulin où il réside. Ils espèrent que l'hospice qui héberge celui qui pourrait être mon frère, ne sera pas trop déprimant.