Journal de Madeleine Thiel.
11 novembre 1920
On commémore pour la première fois la fin de la première guerre mondiale. Il y a deux ans que la guerre est finie. Un million quatre cent mille combattants français ont péri d'un bout à l'autre du conflit. Certains ont été identifiés et leurs corps ont été rendus à leurs familles ; Ceux-là, de mon point de vue, ont de la chance. Ils ont une tombe quelque part dans un cimetière de ville ou de campagne et que l'on soit à Paris ou à Biarritz, à Bordeaux ou à Lille, à Grenoble ou à Lunéville, il existe des survivants qui honorent leur mémoire : parents, frères et sœurs, fiancée ou épouse, enfants, amis, marraines de guerre...D'autres ont été retrouvés sous les décombres mais leurs corps n'ont jamais été identifiés. En dernier lieu, il reste ces soldats qui ont purement et simplement disparu. On sait qu'ils sont partis un beau jour vers une caserne qu'on a du leur décrire comme accueillante. Quelques jours ou quelques semaines plus tard, ils étaient au front. Lentement mais sûrement, l'horreur de leur situation leur est apparue. Ils avaient encore un nom, un plaque militaire, de la famille qui leur écrivait ; Et ils sont tombés. Obus, gaz, mitraillette, fusil. Face contre terre ils étaient, face contre terre ils sont toujours, selon moi. Si on n'a pas pu les identifier, c'est qu'ils n'avaient plus de visage, non...
Je viens de lire que dans la citadelle de Verdun, un jeune poilu du nom d'Auguste Thin a été désigné pour choisir la dépouille du soldat dont la dépouille sera transportée à paris et installée solennellement sous l'Arc de triomphe.
J'ai 12 ans, je m'appelle Madeleine Thiel, j'habite Versailles et je prie pour que le soldat désigné soit mon grand frère, Aurélien Thiel, porté disparu en avril 1917 lors de la bataille du Chemin des Dames. C'est lui, oui, c'est lui. Depuis toutes ces mois, nous ne savons rien de lui. Il a disparu. Mais tout est si incertain.
Moi, je suis sûre que c'est lui. Le soldat inconnu, c'est mon frère. Un grand jeune homme blond au beau visage pur. On l'avait versé dans l'infanterie.