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Septembre 1916 — La Somme — Un combat aérien

Le 11 septembre

À elles seules, les prouesses quotidiennes des aviateurs suffiraient à nous désennuyer. L'âge de la chevalerie n'a jamais connu de tournois plus grandioses que ceux que se livrent, sans effort apparent, ces chevaliers du 20e siècle dans l'arène bleue du firmament. Ce matin, j'ai assisté à un imposant duel opposant une escadre britannique à une escadre allemande. Elles ont combattu là-haut dans les nuages pendant environ trente minutes, à la grande satisfaction d'un public d'environ un quart de million qui, échelonné le long de la ligne de front, les acclamait d'une voix puissante. Le combat était centré sur deux appareils qui manoeuvraient comme des aigles hostiles. Ils s'élançaient, dans un va-et-vient incessant au-dessus des spectateurs ébahis, chacun essayant d'amorcer une attaque en piqué sur l'autre. Enfin, « notre homme » a eu le dessus; faisant feu de sa mitrailleuse meurtrière, il a terrassé son adversaire qui s'est écrasé en flammes et dans un épouvantable grondement de tonnerre, comme l'ange de Milton que « le Souverain Pouvoir jeta flamboyant, la tête en bas, de la voûte éthérée ».

Pendant le combat, la circulation au sol s'était interrompue et l'activité guerrière s'était arrêtée comme réglées par un mouvement d'horlogerie. Après, les roues recommencèrent automatiquement à tourner—les attelages se remirent à patauger péniblement sur les routes, les hommes reprirent les fusils qu'ils avaient mis de côté ou rentrèrent dans les rangs ou continuèrent leur repas ou leur jeu de cartes, et les colonels regagnèrent leurs abris.