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LE SOLEIL MEME LA NUIT. FRANCE ELLE.
27 mars 2024

Sœur des Anges. Partie 4. Que faut-il dire de Sara et des Justes ?

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2. Sœur Maria : une lectrice féroce.

Si le départ de Léonie me rendit un peu triste, je me sentis tout de même comblée. Les rapports que j'avais avec ma fille étaient désormais au beau fixe. De quoi pouvais-je me plaindre ? En bien meilleure santé physique et psychologique, je m'apprêtais à écouter les critiques que sœur Maria souhaitait me faire sur mon manuscrit et pour ce faire, j'allai la voir. Après un passage par la chapelle, nous nous retrouvâmes dans le petit salon où je lui avais parlé précédemment. L’œil vif dans un visage rond et serein, la religieuse entra d'emblée dans le vif de la conversation.

-Ah, Agnès, je suis heureuse de vous voir ainsi, si renouvelée ! Le passage de votre fille vous a beaucoup aidé à aller mieux et comme je vous l'avais dit, « ils » ne se sont pas manifestés malgré cet argent dont vous vous êtes délestés et ce manuscrit dont je vais vous entretenir. A propos, la fondation pour enfants malades dont je vous avais parlé ne vous sera jamais assez reconnaissante. Elle était sur le point de fermer ses portes et voilà que vous leur sauvez la mise ! Avouez que c'est très bien...

-Oui, ça l'est. Et mon texte ?

La sœur prit un air renfrogné et fronça les sourcils.

-Bon, alors voilà. Nous sommes bien d'accord, c'est un premier jet. Il est clair que vous vous êtes donnée à fond et que, n'étant pas native, vous avez bien compris l'écueil de l'ignorance. Pour éviter qu'on souligne votre faible connaissance de l'histoire de la Hongrie et de l'évolution de ses mentalités, vous avez beaucoup lu et vous êtes fait conseiller. Aucun reproche là-dessus. Mais...

-Quels reproches me faites-vous ?

-Eh bien, il y a quatre parties mais il semble bien que votre idée de départ est oubliée. Vous deviez écrire sur Sara alors pourquoi accorder tant de place aux autres ? Gitta Mallascz le père Klinka... Les Dialogues avec l'Ange ...Raoul Wallenberg ! S'agit-il d'une biographie ou de quatre ?

-Enfin, il s'agit d'un seul et même livre ! Je parle d'abord de Sara avant l’holocauste en essayant d'être le plus entraînante possible. Toute jeune, elle a un joli visage aux joues rondes et ses longs cheveux, relevés en tresse, l’encadrent. Jeune femme, elle se dresse devant moi en tailleur sage, son visage sans maquillage ayant perdu l’éclat de l’enfance pour en acquérir un nouveau, plus sage et intelligent. Elle porte de petites lunettes rondes et relit un article qu’elle va faire paraître dans le journal dont elle la rédactrice. Je la vois ensuite supérieure d’un couvent. La guerre s’est intensifiée et les persécutions raciales battent leur plein en Hongrie. Elle n’est pas sereine mais effrayée, rejoignant ces Saints dont ma mère me parlait et le Christ lui-même quand il avait eu peur au Mont des Oliviers…Elle sent la mort fondre sur elle et la tentation que lui propose dans ses rêves ou quand elle prie le Prince des Ténèbres. Tout était très concret. Elle ne s’illusionne pas. Et elle a accepté…

-Ah oui, j'ai compris cela.

-Et vous n'êtes pas contente ? En entremêlant les témoignages épistolaires, je mets en évidence la singularité d’un personnage. Je cite aussi la presse gouvernementale de l’époque, pro-allemande et les tentatives d’opposition : affiches placardées à la hâte, petits tracts distribuées à la sauvette et, en regard, les terribles déclarations de la propagande nazie déclarant inutiles les Tziganes car incapables de se plier aux règles sociales d’un pays, les juifs comme étant la lie de la terre depuis la nuit des temps et les autres. Il y avait les communistes à qui l’histoire donnait momentanément tort, les autres minorités raciales, les déclassés, ceux qui avaient une sexualité jugée hors normes, ceux qui se déclaraient anarchistes ou étaient nostalgiques de la monarchie sans penser un seul instant à adopter les marques d’une nouvelle ère. Je souligne ainsi à la fois la fragilité de la position de Sara dont la congrégation a accueillie plusieurs centaines de juifs au moment des persécutions alors qu’elle seule en était morte et martyre. A l’Église qui la pose comme martyre, on peut objecter qu’elle a pris pour les autres, personne parmi les religieuses de sa maison n’a ensuite été menacé. Je crois avoir clairement montré la simplicité de son sacrifice et sa grandeur !

-Certainement et cela suffit ! Là est votre livre, Agnès !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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