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LE SOLEIL MEME LA NUIT. FRANCE ELLE.
27 mars 2024

Sœur des Anges. Partie 4. Guerre, anges et démon.

 

 

Cette fois, sœur Maria monta le ton et me laissa sidéré.

-Agnès, vous devez terminer sur ces lignes. C'est très bien ainsi ! Vous devrez retravailler votre texte et y adjoindre des photos . En Hongrie ou en France, une personnalité vous le préfacera et croyez-moi, vous aurez fait ce pour quoi vous avez été sollicitée. Vous n'êtes pas une théologienne et vous n'êtes pas non plus dans l'église si ce n'est comme fidèle. Pal Klinda enseignait à des jeunes filles juives et la discrimination dont elles ont fait l'objet avant même d'être exterminés l'a révolté. Il a voulu les aider. Il s'est débrouillé pour en faire engager un certain nombre dans une fabrique qu'il a fait placer sous la Protection de la Nonciature Apostolique par le Vatican, afin de lui assurer le statut d’extraterritorialité. Ces filles auraient été déportées...Tant que Horthy a été au pouvoir, il a pu les protéger mais ensuite non. Il a été exécuté.

-Et il n'y a pas de parallèle ?

-Il y en a un mais c'est un autre livre !

-Ah ? Et Gitta Mallascz ? Elle est née dans une famille de la haute bourgeoisie austro-hongroise, proche du parti nationaliste pro-nazi, autoritaire et antisémite, dirigé par l’Amiral Horthy dont vous venez de parler. Douée pour le sport, les lettres et les arts, championne de natation, décoratrice renommée, parlant couramment six langues, elle a trente-sept ans quand les persécutions éclatent. Elle accepte sans hésitation de gérer le Foyer Katalin auquel le père Klinda était lié. Il ouvre ses portes en juin1944. Dans sa famille, tout le monde la désavoue mais elle insiste et fait en sorte que ses deux grandes amies juives, Hanna Dallos alors professeur de dessin et Lili Strausz qui enseignait l’expression corporelle fassent partie de l’équipe des «ouvrières ». Joseph Kreutzer, le mari de Lili, fait partie de l'aventure mais il sera arrêté et exécuté. Tandis qu'il est encore en vie, il transfère le foyer dans un petit village à la campagne pour fuit Budapest. Dans de longues discussions philosophiques, désespérés, ils passent de longues soirées à se poser des questions sur les erreurs que l’homme a pu commettre pour en arriver à de telles violences ; ils s’interrogent sur le devenir de l’humanité au cours d’entretiens intimes où leurs sensibilités exacerbées par l’angoisse leur font abandonner la logique pour l’intuition. Ils échangent ainsi d’étonnantes réflexions philosophiques qui les plongent dans une puissante expérience mystique commune.

-Nous y voilà, Agnès : Gitta entend la voix était d’un Messager qui est peut-être un Ange et elle répond désormais aux questions de ses amis sur les erreurs que l’homme avait pu commettre pour en arriver à une telle barbarie. Dans le même temps, elle définit le profil d’un monde nouveau. Gitta, pour ne rien perdre de cet étrange message noircit les cahiers d’écolier qu’elle va emporter plus tard avec elle dans sa fuite vers la France. Elle les traduit et les publie sous le titre des Dialogues avec l’Ange et ceux-ci eurent un immense succès. En 1944 cependant, nul ne savait que ce livre existerait et serait acclamé. Pour Gitta, gérer le Foyer Katalin était une priorité et ce ne fut pas facile dès le départ. Le père Klinda fit de son mieux pour l’aider mais Hitler avait mis un pur nazi au pouvoir en Hongrie. Je vous l'accorde, elle a sauvé des vies humaines et a déploré au moment de sa mort de n'avoir pas mieux fait ! Elle a été liée à Klinda qui est honoré à Yad Vashem et je comprends que vous l'admiriez. Cependant, en la présentant comme vous le faites, vous ne servez pas la cause de Sara ! Ne mettez pas en parallèle une religieuse et une femme du monde qui a eu des révélations...

J'étais irritée.

-Comme vous la traitez ! Et de Raoul Wallenberg, bien entendu, il ne faut pas non plus parler ! C'est un diplomate suédois qui, dès le départ, a tout pour réussir. Héritier de l'empire industriel et financier de la famille Wallenberg, il mène une carrière d'homme d'affaires dans plusieurs pays avant d'être envoyé à Budapest pendant la Seconde Guerre mondiale. Il bénéficie d'un statut de diplomate, avec pour mission de contribuer à sauver les Juifs de Hongrie. Il délivre des passeports temporaires qui permettent de s'enfuir. En 1945, les Russes l'arrêtent et il disparaît. Pour certains, il est très vite mort en prison, d'une crise cardiaque. Pour d'autres, il a survécu dans les prisons de Russie et de Sibérie jusque dans les années quatre-vingt...Il aurait sauvé des centaines de personnes ! Pourquoi ne pas parler de lui et des autres ? Allons, pensez un peu ! Un diplomate suédois envoyé en Hongrie a vu s’infléchir son rôle ,une jeune femme riche a décidé de sauver des vies dans son pays sur une injonction spirituelle particulière tandis qu’un prêtre catholique l’assistait. Enfin, une religieuse consacrée avait, elle-aussi, décidé de sauver qui elle pouvait. Mon idée est de susciter la polémique. Pourquoi de tels êtres sont-ils apparus ? Quel était l’ampleur de leur sacrifice ? Qu’est-ce qui a fait que certains aient connus une mort violente et d’autres non ? En cette terrible période, quelle signification a pu avoir leurs engagements et quelle lecture pouvait-on faire aujourd’hui ?

Elle fut cette fois très convaincante.

-Moins vous vous concentrerez sur Sara, plus « ils » auront l'avantage ! Vous tentez trop d'embrasser des années terribles ! Ne faites pas aussi violemment revivre le passé ! Ils vont en profiter, ne le sentez-vous pas ? Ils vous laissent tranquille car votre livre dort. Publié tel quel, ils s'en repaîtront. Vous leur offriez une porte d'entrée et voilà que maintenant, vous leur en indiquez de nouvelles ! Ils reviendront vers vous et s'ils vous ont tourmentée par le passé, ils vous tueront cette fois ! De plus, ils en frapperont d'autres ! Pensez à votre famille, à vos amis, à ceux qui auront lu votre livre !

-Mais...

-Vous allez attirer des mystiques, des charlatans, de grands spécialistes d'un surnaturel de pacotille sans parler des comploteurs et des falsificateurs de l'histoire...Pensez-donc, une femme de la bonne société qui reçoit des révélations privées, un diplomate dont la mort est énigmatique...Qui sait qui va se cacher derrière ce lecteur ou cet autre qui cherche à vous contacter ? Soyez prudente.

Cette fois, j'avais compris.

-Je n'envoie à des éditeurs que la partie qui la concerne ?

-C'est la décision la plus sage que vous puissiez prendre. Mais bien sûr, il ne faut pas vous précipiter. Il vous faut vous relire...

Elle avait raison. Ma colère tomba.

-Je me relirai. Vous m'aiderez.

Puis j'ajoutai :

-Je voudrais que le peu que j'ai écrit aide à libérer des prisonniers.

-Où sont-ils ?

-Dans cette villa dont je vous ai parlé.

-Que fait-on d'eux ?

-On les met au supplice ; Je ne sais pas comment mais on les maltraite et ils meurent. Je ne suis pas Sara, je ne peux pas partager leur condition mais je voudrais que certains soient libres...

-Écrivez, reformulez, soyez dans l'amour et publiez. Alors, vous verrez.

C'était un bien vaste programme et je me sentais petite.

Devenue malicieuse, sœur Maria me dit comme pour me divertir :

-N'auriez-vous pas besoin de vous aérer ? Je pense que si ! Je pars deux mois avec d'autres sœurs au lac Balaton. Nous avons un centre là-bas. C'est grand et nous pourrions vous aménager un espace pour écrire et par exemple apprendre le hongrois.

-Vous voulez que j'apprenne le hongrois ?

-Allez-vous continuer à contraindre ceux qui vous connaissent et ignorent le français à vous parler anglais ? On dirait bien que vous adorez ce pays et avez envie d'y rester...

-Je n'y avais guère pensé...

-Oh, je pense que si, ça doit vous trotter dans la tête...Bref, venez et découvrez un autre univers.

J'avais libéré le bel appartement de l'île Marguerite, vécu à la fondation et ne pouvais décemment revenir aussi vite chez Sandor et Szilvia. Changer d'air était une excellente idée ! Les Hongrois considèrent le lac Balaton comme une mer intérieure et il y existe de très jolies petites villes balnéaires où on peut mener la vie oisive d’un vacancier.Beaucoup d’excursions étaient possibles autour et sur le lac. La nature était splendide et le temps souvent clément. Alors, quoi ? Très bien, je m'en allais. Il était seulement curieux que ce fut avec cet sœur qui venait de fustiger un texte sur lequel j'avais de hautes ambitions !

 

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