4. Des recherches pour un livre. Sara, Sara...

Je commençai immédiatement à écrire sur Sara et rassemblai toutes mes notes pour bâtir un plan. D’abord, je raconterais la vie de la religieuse en intercalant les passages à la première personne et ceux à la troisième personne. En effet, je voulais que tout restât fictionnel bien loin d’un récit autobiographique. De ce fait, jeter sur Sara un regard à la fois intérieur et extérieur me semblait une bonne façon de la cerner à la fois en tant que femme et en tant que religieuse aspirant à la sainteté. Ensuite, j’ajouterais de vraies lettres et des lettres fictives écrites par Sara, ses parents, son fiancé perdu, les religieuses qui l’avaient accueillie, ceux ou celles qu’elle avait aidé en tant qu’enseignante ou directrice d’établissement et ceux enfin qui l’avaient aimé ou combattu au moment où se préparait son martyr. Il s’agirait alors de donner la parole à ceux qui avaient combattu Sara de diverses manières, les Croix fléchées étant évidemment les pires, qu’à ceux qui l’avaient aimée et soutenue : prêtres, religieux, anciens élèves, membres d’une communauté persécutée et traître. Car Sara avait eu son Juda, une ouvrière qu’elle avait aidée et accueillie dans une des maisons de la congrégation l’ayant dénoncé comme « aidant les Juifs ».

En entremêlant les témoignages épistolaires, je mettrais en évidence la singularité d’un personnage. Je citerais aussi la presse gouvernementale de l’époque, pro-allemande et les tentatives d’opposition : affiches placardées à la hâte, petits tracts distribuées à la sauvette et, en regard, les terribles déclarations de la propagande nazie déclarant inutiles les Tziganes car incapables de se plier aux règles sociales d’un pays, les juifs comme étant la lie de la terre depuis la nuit des temps et les autres. Il y avait les communistes à qui l’histoire donnait momentanément tort, les autres minorités raciales, les déclassés, ceux qui avaient une sexualité jugée hors normes, ceux qui se déclaraient anarchistes ou étaient nostalgiques de la monarchie sans penser un seul instant à adopter les marques d’une nouvelle ère. Je soulignerais ainsi à la fois la fragilité de la position de Sara dont la congrégation avait accueillie plusieurs centaines de juifs au moment des persécutions alors qu’elle seule en était morte et martyre.