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LE SOLEIL MEME LA NUIT. FRANCE ELLE.
18 avril 2024

Sœur des Anges. Partie 2. Un père et une mère pleins de sagesse.

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2. Une enfance oubliée. Des parents unis et pieux.

Enfant, j’étais croyante car ma mère l’était. Indifférent aux questions religieuses, mon père ne s’était jamais abaissé à critiquer l’une ou l’autre des grandes religions et en cela, je lui gardais mon estime. Je lui en vouai à elle-aussi et regrettait qu’ils fussent morts. Mariés depuis longtemps, ils m’avaient eu sur le tard, alors qu’ils s’attendaient à passer le reste de leurs jours tranquillement, en ménage uni. Ma naissance avait bouleversé leurs habitudes mais ils l’avaient accueilli avec joie, faisant tout ce qu’ils pouvaient pour moi. Peut-être parce que ma mère avait quarante-cinq ans à ma naissance et mon père dix de plus, je m’étais sans doute obligée à être discrète et sage au sortir de la petite enfance, où j’avais les exigences d’un nourrisson, les contraignants l’un comme l’autre à se lever la nuit pour me nourrir ou m’apaiser. A cinq ou six ans, j’étais une enfant tranquille qui ne posait aucun problème. Bonne élève de primaire, j’étais citée en exemple et le restai tout au long de ma scolarité. Je les regardais, ils me regardaient. Ma mère me parlait de Dieu et petite, j’allais à l’église avec elle. Elle était dans l’adoration et moi-aussi. Les grands Christ en croix provoquaient en moi des élans intenses et je priais beaucoup. Elle le faisait elle-aussi ! Elle aimait certains saints et je l’imitais. Quand elle me montrait des images de cette toute jeune religieuse de Lisieux, que la tuberculose avait emportée à vingt-quatre ans, j’étais très émue mais je l’étais plus encore devant celui qu’elle appelait « Le pauvre d’Assise ». M’avait-elle parlé de Giotto, je n’en ai pas le souvenir mais elle avait dû le faire…Elle m’ouvrait des paysages inédits où de jeunes vierges et de jeunes hommes déjà dans les ordres vivaient intensément le don qu’ils faisaient d’eux-mêmes. A l’époque, qu’ils puissent le faire en mourant précocement d’une maladie pourtant curable, ou soient confrontés à des supplices terribles alors qu’ils pouvaient les éviter me paraissait normal ! Ils avaient choisi Dieu. Je n’imaginais pas leurs souffrances et ne voyais que le but qu’ils s’étaient assignés : la sainteté. Ma mère me disait combien elle devait être belle à vivre et mon père, par son abnégation douce et tranquille et sa permanente bienveillance murmurait le même discours. Pourtant, adolescente, j’eus des réticences vis-à-vis de la religion catholique d’abord, puis de toute croyance. Je sais qu’ils en eurent de la peine. Elle ne m’en dit rien et resta égal d’esprit et lui l’imita. C’était comme ça dans notre famille et ça le resta longtemps.

Il était employé de mairie et elle, bibliothécaire. Tous deux lisaient beaucoup. Leurs amis étaient comme eux, très discrets, humbles sans être faibles et attentifs. Quand ils les invitaient, tout était policé. Ma mère adorait les chandeliers et elle les disposait çà et là dans la salle à manger où nous recevions. J’adorais ces dîners à cause de l’unité qui y régnait et de ces lumières indirectes. La flamme d’une bougie révèle mieux ce qui est sous le visage…Georges de La tour l’a dit. Sous le visage, ce qui est vraiment à dire…

Mes parents me manquaient : je m’en rendais compte. Les hasards de la vie avaient fait qu’étant enfants uniques, ils avaient peu de familles. Il restait à mon père quelques cousins et cousines dans le nord de la France dont il était originaire mais je ne souvenais pas de les avoir beaucoup vus. Mieux lotie, ma mère avait des parents âgés que je côtoyais un temps. Ils me parlèrent d’un garçon qu’ils avaient perdu et d’enfants qu’ils auraient voulu adopter afin d’avoir une plus grande famille. J’imaginais qu’ils ne pouvaient en avoir d’autres de façon naturelle. Le mystère ne fut cependant jamais éclairci.

Je perdis mes parents l’un après l’autre, au sortir de l’université. Un cancer qui se généralisa l’emporta en quelques mois. Elle avait soixante-sept ans. Il ne lui survécut guère. Elle lui manquait et il disparut un an après elle d’un autre type de cancer, tout aussi maléfique.

Je souffris beaucoup et ils me manquèrent. Je mentirais en disant que je n’avais jamais souffert d’être « une fille de vieux » mais ils avaient été avec moi d’une patience et d’un amour si infini que je doutais, sur cette terre, de ne pouvoir jamais en rencontrer de semblable. Mes premières errances amoureuses me confortèrent d’ailleurs dans cette idée. Si j’aimais, je m’enthousiasmais peu de temps et me lassais vite, faisant souffrir. Il m’arriva plusieurs fois d’être violemment attiré par un jeune homme ou un homme mûr mais constatant que je n’avais aucun retour, la raison en moi fut plus forte que le sentiment amoureux pourtant bien prégnant qui m’animait. Je m’efforçai d’éviter tout lieu où je risquerais de croiser celui qui m’enflammait ainsi et le n’y revins que quand tout fut mort en moi. J’étais persuadée alors d’agir au mieux. Je me trouvai forte et féministe. J’avais la tête sur les épaules. Nicolas me dérouta car il restait fort face à mes exigences. Bien qu’il les honorât, il restait toujours plein de lui-même, très clair dans ses sentiments vis-à-vis de moi mais aucunement faible et servile. Je lui dois d’avoir été réellement aimée des années durant tout en me faisant comprendre que je ne l’annihilerais pas. Si j’en éprouvais du bonheur et une grande satisfaction d’amour propre, j’en souffris aussi car je me sentis froide et peu aimante.

Était-ce le legs de cet amour total reçu enfant ? Sans doute mais c'était un legs bien ambigu.

Le changement de vie que je voulais s’accompagna d’une préparation spirituelle. J’allai régulièrement à la messe, lus des vies de saints et demandai à deux reprises à être admise dans un couvent de Dominicaines où je passai huit à dix jours en silence, demandant toutefois à être reçue régulièrement par une des religieuses qui était formée à l’accompagnement religieux.

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