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LE SOLEIL MEME LA NUIT. FRANCE ELLE.
1 avril 2024

Soeur des Anges. Partie 3. Découvrir Budapest. Paix ou inquiétude?

 

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Arrivée à Budapest, Agnès découvre peu à peu la ville. Elle ignore encore pourquoi elle est là. Tout semble calme mais quand elle contemple les photos qu'elle a prises, elle n'a plus ce sentiment.

Durant trois semaines, j’avais sillonné la ville avec mes deux guides rayonnaient mais ce que j’avais à dire sur elle se résumait à un catalogue. J’aurais pu faire un blog de voyage sur internet et faire, comme tant d’autres, photographier des monuments mille fois pris en photos avant de me faire prendre en photo devant ces derniers, seule ou en groupe. Clichés tant de fois vus et revus d’un espace à un autre sur un ordinateur…J’étais tombée dans ce travers au départ avant de m’arrêter vite. Je ne photographiais que des scènes insolites ou belles à mes yeux. Petite dame âgée se hâtant dans l’église Mathias, après être restée longuement en prière ; chien solitaire et triste attendant patiemment, devant un beau restaurant de la rue Raday, qu’une personne quelconque se soucie de son existence ; touriste coréenne réalisant avec stupeur, devant la grande synagogue, qu’elle n’a pas rechargé son portable et ne pourra donc ni photographier un lieu très beau dont elle comprend mal la fonction, ni se faire prendre en photo devant ; touristes américains intimidés par la splendeur de l’hôtel Gresham à l’architecture Art nouveau inégalée. Elle lève la tête et sourit à pleine dents tandis que, désorienté, il ne sait plus où regarder et baisse les yeux ; corbeau tenace m’empêchant de faire, du parlement, la photo que je souhaite avant que je ne décide d’en faire le premier plan ; vieil hongrois très digne assis sur une des chaises en velours rouge du New York café. Il buvait son eau gazeuse sans regarder personne, avec une sorte de tristesse lointaine qui le rendait inestimable. Vendeuse de légumes au grand marché attendant devant des tresses de piments rouge. Quand j’ai demandé à la photographier, j’ai spécifié que je ne voulais pas la déranger car elle écoutait de la musique. Elle devait avoir trente-cinq ans et m’a répondu en riant qu’elle aurait du mal à s’arrêter d’écouter la neuvième symphonie de Beethoven mais m’a laissé faire…Il y avait aussi ce jeune homme exubérant qui trouvait son bonheur à sauter et à chanter à tue-tête car, en plein hiver, il pouvait s’ébrouer dans les eaux naturellement chaudes des bains qui font l’orgueil du palais Széchenyi et ainsi paraître heureux alors qu’autour de lui, la neige faisait des découpures sur le sol. Tout cela, si personnel…

 

Lorsque j’avais emprunté une fois de plus la Promenade du Danube et y avait revu avec émotion la statue de la Petite Princesse que tout le monde aimait voir car, datant de 1989, elle était considérée comme une sculpture non communiste, j’avais croisé la route d’une chatte noir et blanc, les tétines gorgées de lait, et qui filait sa route. Devant la statue de Saint-Étienne de Hongrie, j’avais un garçonnet, assis sur une chaise, s’acharner à dessiner les lieux tandis qu’un jeune homme jouait du violon, son chapeau retourné sur le sol.

 

Mes photos, c’était cela et rien d’autre. Je ne n'y figurais jamais nulle part. J’avais senti le danger d’autant plus vite que Péter et Paulina s’étaient montré prudents. Au moins, si blog de voyages il y avait, nul ne me verrait. J’avais maladroitement cherché le non visible et le non-dit d’une ville en entrant d’en infimes détails. Je pensais avoir échoué puisque de toute façon, je ne connaissais cette ville que depuis peu. J’en restais au fait que je ne savais rien. Mes parents, ma mère surtout, m’avaient rendu tangible que s’accrocher à la vérité changeait tout. Mais aucune vérité, quelle qu’elle soit, n’apparaissait sur mes photos. Encore que je m’aperçus que j’en avais mis beaucoup de côté, les trouvant mauvaises. En en examinant les tirages papier, je fus surprise de ce qui j’y vis. Les ombres du Mal étaient là : sourire grotesque, porte cochère, ruelle déserte, rideaux épais rendant inaccessibles l’intérieur d’une maison. On avait beaucoup traqué à Budapest, beaucoup arrêté, malmené, violé et battu. Les femmes étaient violées, les petites filles aussi sans doute. Derrière les volets, on constatait l’arrestation, sinon le viol…Je commençai d’entendre des voix, les unes grotesques tant elles étaient ordurières, les autres plaintives et je me bouchai les yeux et les oreilles.

 

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