Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE SOLEIL MEME LA NUIT. FRANCE ELLE.
14 août 2023

AUTEL DES MORTS. Partie 2. Sylvia et Nicholas. Mise en garde.

 jeune homme triste

 

Nicholas n'a pas vu son père depuis des années. Il décide d'un voyage impromptu à Milan pour le revoir. Sylvia, une jeune fille rencontrée dans un train, le met en garde contre une spontanéité excessive...

Il répète en boucle aussi le numéro de téléphone personnel de son père ainsi que celui de son bureau, à la faculté des lettres de l’université de Milan. Il doit trouver son père et s’imposer à lui. C’est aussi simple que cela. Il reste plongé un moment dans ses pensées jusqu’à ce qu’il sente sur lui le regard d’une jeune fille brune et mince. Elle est en route, comme lui, il le voit aux vêtements fonctionnels qu’elle porte et à son sac de voyage placé en hauteur. Elle est jolie et s’est maquillée les lèvres et les paupières mais elle a les traits tirés et paraît timide. Il échange quelques regards et il la voit bailler et tenter d’échapper au sommeil. Il y a deux autres personnes dans le compartiment mais ce sont des adultes et ils fument dans le couloir.

-Je m’appelle Sylvia.

Elle a de jolis yeux noisette et son français est pur. Sans savoir pourquoi, il la pensait italienne.

-Ah, vous êtes française !

-En partie.

-Moi-aussi.

Elle a un rendez-vous à Milan et se dit fébrile. Elle est très jeune mais déjà encombrée de soucis. Elle a une mère en Italie et un père en France. Ils se sont séparés depuis peu de temps car son père est un joueur invétéré. Il écume les casinos de la Côte. Au départ, il gagnait beaucoup à la roulette puis la chance lui a manqué. Depuis, les disputes ont jailli car payer ses dettes est quasiment impossible. Ils habitaient une maison qui va être saisie.

-Et tu vois, malgré cela, mes parents ne se plaisent plus mais « ils se voient ». Pourtant ma mère n’arrête pas de dire qu’elle est horriblement déçue. Il avait la baraka, tu sais. Il gagnait tout le temps et en deux soirs, il a tout perdu. Mon frère et moi, on trinque pour eux. Je vais à Milan pour convaincre ma mère de demander le divorce et de ne pas participer à sa chute. Elle est tellement naïve qu’elle ne sait pas se défendre de lui. Je suis sûre qu’elle va foncer à Nice pour le revoir, lui pardonner, pleurer…

-A Nice ? Mais le train est parti de Marseille.

-C’est-à-dire que je me suis réfugiée chez une de mes tantes, côté paternel. Mon petit frère est là aussi. Ça devenait assez fou…

Elle secoue la tête comme pour refouler ses larmes puis remonte la manche de son pullover et montre des marques sur son poignet.

-Tu vois, ça vient vite le désespoir.

Il ne comprend pas bien à quoi elle fait allusion mais son joli visage mobile s’emplit de chagrin.

-On peut rencontrer soudain une immense lassitude à côtoyer de grandes personnes qui se traitent mal après s’être adorés ; ils sont là devant toi, immergés dans leurs disputes et tu ressens une solitude pesante. Comme ils ne font plus attention à toi, un jour, tu te décides. Tu ouvres l’armoire à pharmacie et tu en retires tous les tranquillisants. Tu avales le tout et tu sombres rapidement dans l’hébétude en croyant que c’est un prélude au paradis. Tu trouves ça horrible, bien sûr, et d’un point de vue adulte, ça l’est. J’aurais vraiment voulu rester sur ces images très belles que j’avais, de départ, de dissolution…Je n’avais plus de corps, tu vois. Mais bien sûr, je n’ai pas pris les bonnes doses ou ils sont arrivés trop tôt. On m’a fait un lavage d’estomac et ils m’ont baratiné sur ma jeunesse, tous. Les médecins, les infirmières, un psychologue et mes parents, bien sûr. Ça leur a fait de l’effet, remarque, ils se sont rabibochés. Lui, il promet beaucoup…

-Et ainsi, tu vas à Milan.

-Oui. C’est la ville d’origine de ma mère. Quand elle est dans son élément, ça ne va pas trop mal. Il faut qu’elle le lâche, c’est tout.

Engoncée dans un grand pull rose pâle au col avantageux, elle devient plus dure.

-J’ai recommencé. Avec un morceau de verre cassé cette fois. J’ai vraiment failli mourir et j’aurais pu le faire si de nouveau, ils ne s’étaient tous énervés. Quand on est dans ce no man’s land qui sépare la vie de la mort, on est heureux, je te l’assure. Je n’aurais jamais voulu qu’ils m’arrachent à cette beauté, à cette quiétude. Bon, ils m’ont transfusé et envoyé me reprendre dans une maison de santé. Au moins, elle l’a quitté ! Lui, ça l’a un peu embêté tout ça car on lui a posé des questions désobligeantes mais il est inconscient de ce qu’il fait. Côté argent, plus rien n’est à lui. Il n’a plus un sou vaillant. Il lui reste le suicide mais il est trop lâche ou la prison. Il a eu divers emplois mais il détournait de l’argent.

Publicité
Publicité
Commentaires
LE SOLEIL MEME LA NUIT. FRANCE ELLE.
Publicité
Archives
Publicité