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LE SOLEIL MEME LA NUIT. FRANCE ELLE.
30 mars 2023

Sœur des Anges. Partie 1. Couple, enfant, frustration.

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De la même façon que nos relations amoureuses nous paraissaient équilibrées, notre rapport à l’argent nous semblait très sain. Celui qui gagnait bien dépensait plus que l'autre, ce dernier lui rendant la pareille en attention portée et en enthousiasme. N'était-ce pas bien ? Travaillant aux impôts, Nicolas, d’abord simple employé avait gravi les échelons et bénéficiait désormais d’un haut salaire. Il me semblait naturel qu’il dépensât de l’argent pour nous et j’ose le dire, surtout pour moi ! Après tout, si j’avais passé un concours difficile il y avait bien des années, c’était pour avoir une profession respectable. Oui, je l’affirme : respectable ! Au lieu de cela, je m’estimais fort mal rétribuée et depuis peu, j’étais très amère ! Quoi ? Toujours ponctuelle, jamais absente, très bien notée et appréciée des corps d’inspection, je ne gagnais que cela ! J’étais tout de même agrégée, ce qui plaçait au sommet de la hiérarchie des enseignants ! Je me plaignais beaucoup et ne censurais d’autant moins que Nicolas semblait très concerné par ce que j’appelais une « mauvaise plaisanterie » ou encore « une disgrâce ». Il avait donc pris soin de moi des années durant en m’apportant des aides financières conséquentes. Grâce à lui, je vivais dans un appartement certes petit mais bien situé et coquet. J’étais toujours bien vêtue, en tout cas bien mieux que mes collègues qui étaient, les pauvres, conviées par leurs époux à fréquenter des boutiques bon marché. Je sortais beaucoup. Nous avions un abonnement au théâtre, allions beaucoup au cinéma et fréquentions les expositions d’art contemporain. Il m’était facile de m’inscrire à un stage d’écriture coûteux sous le couvert que je ne connaissais pas le Gers et que le château qui abritait le stage paraissait ravissant. Je pouvais aller à Quiberon pour une semaine de thalassothérapie ou en Corse voir des amis. Je n’avais en somme été privée de rien des années durant et ma soudaine « éviction » risquait fort de changer la donne...

Dans les premiers temps, cependant, je me persuadais que j'étais au-dessus de contingences aussi basses et tins le coup. Je ne tardais pas cependant à tordre le nez et, je sais combien cela paraîtra paradoxal, reniant mes convictions premières, je le sollicitais encore. En souvenir de notre longue liaison, ne pourrait-il...Il fit la sourde oreille avant de m'adresser une fin de non-recevoir très claire. Je devrais donc faire avec ce que je gagnais, sachant que, pour Léonie, il ne serait pas chiche. Sa réaction m'agaça car elle était le signe d'une nouvelle indépendance. Il devenait un autre, ce qui était difficilement supportable. Je tentai bien de m'en prendre à lui mais il refusa d’emblée les sarcasmes. Non, il n'était pas injuste. Non, il n’y avait personne d’autre. Oui, il était très sérieux et ne reviendrait pas sur sa décision. Avec orgueil, je fis mine de ne pas être atteinte mais je ne fis pas vraiment bonne figure. Je n'étais pas sur la paille, loin de là, mais mon amour propre était froissé. Léonie, comme je crois l'avoir dit, en avait après moi. Elle fut donc très mordante et me dit que m’avoir supporté si longtemps était, de la part de son père, une marque de douceur confinant à l’abnégation. J’étais basse et mesquine et de plus, je n'avais aucune idée de ce que l'amour voulait dire ! Elle ne voulait pas rester avec moi plus de quelques heures par jour et courait dès que possible voir son géniteur ou, accessoirement son petit ami. Bien sûr, je fus vexé d'entendre tout cela et comme toute personne à qui on présente d'elle une image négative, je me raccrochai à de petits détails. Elle s'intéressait donc concrètement aux garçons alors qu'elle m'avait paru très gauche de ce côté-là et elle faisait l’amour…C’était récent, enfin je le pensais car certains signes ne trompent pas. Je le devinais à ses postures, à ses regards, à cette façon qu’elle avait de se mettre à rêver. Elle était amoureuse, je le voyais aussi bien qu’elle ne me fît pas de confidences sur ce plan - la. C’était tant mieux et je me sentais fière d'être une mère, certes en mauvaise posture, mais assez attentive pour percevoir toute l'évolution de sa fille. Lui en parler ? Dans l'état actuel des choses, c'était impossible. Je ne savais interroger sur l’amour qu’à partir de textes littéraires car, selon moi, là, on s’aimait, on s’aimait vraiment. Était-ce eux qui disaient cela ? Même pas. C'était moi. Dans les livres, tout coulait de source. Dans la Nouvelle-Héloïse par exemple, on se fait de longues déclarations, on se pâme. Dans la réalité, on se traverse l'un l'autre, on se comprend, on s'enracine dans l'amour et le respect mutuel. C'était bien là ce qu'on me renvoyait sans cesse depuis quelque temps dans ma famille et dans la sienne. Aimer, je ne pouvais pas savoir ce que cela supposait puisque je ne le voulais pas. Nicolas l’avait compris et supporté et Léonie, qui n’en avait pas encore conscience, buterait un jour ou l’autre sur cette évidence puisque même mon amour maternel serait passé au crible...

 

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