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LE SOLEIL MEME LA NUIT. FRANCE ELLE.
9 août 2023

AUTEL DES MORTS Partie 3. La mort de la mère.

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Nicholas. Marseille, Cassis,

Novembre 1989. Janvier 1990

Le choc de la mort de Lydiane se fait lentement. Il s’est inscrit à l’université à Marseille et quand sa mère meurt, il est triste mais non accablé. Il constate assez vite toutefois que les cours d’histoire qu’il suit ne le concernent qu’à peine et qu’il les oublie aussitôt après les avoir entendus. Il ne relit pas ses notes et ne les classe pas plus qu’il ne tient compte des dates des examens. Il a bien expliqué à Gianni qu’il ne veut pas quitter Marseille à cause de Sylvia et celui-ci, non sans récrimination, lui a offert de lui financer sa première année d’étude ainsi qu’une chambre en ville. Il escompte qu’après l’élitiste lycée Saint-Joseph la banalité des cours dans une université français qui n’est pas la meilleure suffira à faire changer d’avis ce fils prodigue dont il lui tient à cœur de garder l’estime. Quand celui-ci lui apprend l’accident fatal de sa mère, il lui adresse une lettre courte mais saine où il dit sa tristesse. Lui-même en éprouve, même si Lydiane n’a occupé qu’une partie de sa jeunesse. Il a le tact élémentaire de ne pas insister pour l’Italie et leur correspondance s’espace, non de son fait mais du fait de Nicholas, qui est comme anesthésié, ne songe pas à lui répondre. Il rejoint souvent Sylvia à Cassis et celle-ci partage quelquefois sa petite chambre à Marseille. C’est elle qui, la première, se rend compte que ce jeune homme dont elle est amoureuse n’a pas du tout pris la mesure de la disparition de sa mère. Il parle d’elle au présent mais désormais avec tendresse, il évoque l’enfance, leurs dernières rencontres mais jamais l’enterrement. Il ne se rend d’ailleurs pas au cimetière. Tout se passe comme si Lydiane n’était plus là mais momentanément…Les quelques frères du lycée Saint Joseph, qu’il a brièvement avisés, repèrent son état mais n’ont pas de prise puisqu’il n’entretient pas de correspondance avec eux. En décembre, toujours léthargique, il se rend au domicile de Vincent Lapierre qui le souhaite voir choisir des effets personnels de sa mère, qu’il aimerait conserver ; et c’est là que le choc se fait. Vincent a rangé les vêtements de Lydiane dans des housses et dans des valises, dans l’optique d’un don prochain à des associations caritatives. Il doute que Nicolas veuille se servir dans ce qu’il a déjà trié. Mais il y a les albums photos où passe son enfance et son adolescence, des livres que Lydiane aimait, des petits objets auxquels elle tenait (petites sculptures, peluches minuscules, porte-clés amusants), quelques carnets de notes éparses  et quelques grands  cartons qu’elle ne souhaitait voir ouverts par son mari. Il a toujours respecté son vœu et il les tient à la disposition de Nicholas. Il le laisse d’ailleurs seul pour faire son choix et Nicholas quand il le voit si voûté et si marqué par le chagrin en reste stupéfait. Il n’est que l’ombre de lui-même. La petite Claire est à Paris dans sa famille et lui-même ne songe qu’à y retourner. Seulement, cela risque de prendre du temps car il lui faut une reprise pour son cabinet médical, sans compter la complication qu’il y a à se réinstaller dans la capitale. L’adolescent se sent gêné devant lui, sans doute parce que lui-même n’est pas aussi dévasté mais il ignore que lui-aussi peut souffrir comme jamais il n’aurait pensé le faire.

Elle a tout gardé. Certains vêtements qu’il portait tout enfant, d’autres qui datent de la période milanaise puis de son séjour à Aix avec ses grands-parents et de plus récents mais qui remontent tout de même à la fin de son enfance. Elle a conservé des dessins qu’il a faits à la maternelle, des cahiers d’écolier, des photos de classe et de fêtes scolaires et beaucoup d’autres qui les montrent au cirque, à la plage, en ville, costumés l’un et l’autre, dansant ensemble lors d’une fête. Il est avec ses copains de classe, ses grands-parents aixois, entouré par Méral et sa bande ou avec des amies à elle et toujours elle sourit. Elle est partie seule en Camargue une fois mais elle a gardé copie de toutes les lettres qu’elle lui a écrites. Il y a toutes les petites cartes qu’au fil du temps, il lui a envoyées, certaines allant modestement d’Aix à Marseille. Il y a des broderies qu’elle a faites de son nom, certaines très colorées, d’autres tons sur tons. Il retrouve certaines de ses peluches et de ses jouets préférés, des quarante-cinq tours qu’encore très jeune il adorait, des places pour des spectacles de jeunes, des petites histoires qu’elle a écrites pour lui et des poèmes. Et bien sûr, il y a trace des échanges chaleureux qu’ils avaient, il y a peu de temps encore, quand il ne s’était pas raidi…

Il n’a jamais pris la mesure de l’amour parce qu’il n’a jamais su que l’amour n’était pas un dû. Il découvre qu’elle n’a fait que l’aimer même quand il ne la comprenait pas et s’éloignait d’elle. Pourquoi a-t’ il pris cela pour de la passivité ou de la faiblesse ? Pourquoi l’a-t’il si peu respectée ? Elle le lui a dit, elle venait d’un milieu simple, elle a dû travailler très tôt. Elle n’était pas bien armée pour les luttes qu’elle allait devoir mener et pourtant, elle a été vaillante…

Sidéré, il remplit une petite valise d’un ensemble d’objets, de photos et de lettres. Il vérifie qu’il a bien tout trié, oubliant sur le moment qu’elle aussi dû laisser des traces d’elle chez ses parents. Il oublie aussi qu’il a des lettres, plus récentes, parce qu’il les a rangées n’importe comment. Il a peur soudain et il se sent vide mais il ne peut se résoudre à finir son tri. Encore une fois, il revisite les cartons. Cette fois, il trouve un  lot de photos datant des premiers temps. Il est naissant. Elle le tient dans ses bras, radieuse, comme inondée de joie et Gianni est là, très fier. Il apparaît d’ailleurs sur d’autres photos, toujours séduisant, un léger sourire aux lèvres, son beau visage latin contrastant avec celui plus enfantin de la jeune femme. Souvent, elle le regarde. Et il est là, oui, cet amour total dont elle lui a parlé et qu’elle lui vouait…

A peu de temps de là, il se rend à Aix, chez ses grands-parents qui, tout de noirs vêtus, semblent être sans âge. Il fouille aussi et recueille mais se montre avare en propos alors qu’ils voudraient le retenir et échanger avec lui. Ils en ont tant besoin. Il reste pour la forme puis les quitte.

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